FDJ-Suez : « Collectivement, on n’a pas peur »

Crédit photo Freddy Guérin / DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin / DirectVelo

Comme sur le Tour 2022 et comme lors du dernier Tour d’Italie, la FDJ-Suez va se présenter sur les routes du Tour de France avec un rasoir à trois lames. Parmi les meilleures grimpeuses au monde, Marta Cavalli, Evita Muzic et Cecilie Uttrup Ludwig peuvent toutes trois espérer un très bon classement général sur l’épreuve. Mais, dans le même temps, aucune des trois ne semble en mesure de battre Demi Vollering et/ou Annemiek van Vleuten à la pédale dans les pentes du Tourmalet ou sur le contre-la-montre de Pau. Alors, quelle stratégie et quelles ambitions pour la WorldTeam française ? Le rêve est-il permis et si oui, comment s’y prendre ? DirectVelo fait le point avec le manager général de l’équipe, Stephen Delcourt, avant le grand départ de ce dimanche à Clermont-Ferrand.

DirectVelo : Que retiens-tu, après coup, du récent Tour d’Italie de l’équipe ?
Stephen Delcourt : Le Giro nous a permis de poser les bases, de voir nos forces et nos faiblesses. Collectivement, c’est à l’image de l’ensemble de notre saison jusque-là. On a une bonne équipe, mais pas une équipe pour jouer la gagne. On était un cran en-dessous des toutes meilleures, à savoir les SD Worx et Annemiek van Vleuten. C’était la même situation que lors des Ardennaises. Individuellement, on a vu que Cecilie (Uttrup Ludwig) monte en puissance. Elle est bien. Marta (Cavalli) n’est pas encore rétablie à 100% mais elle peut jouer avec n’importe qui sur une étape. Pour jouer un général sur huit ou dix jours, c’est encore dur mais il fallait passer par là. Evita (Muzic) a connu son premier coup de moins bien depuis le début de sa carrière. Elle a craqué sur une étape…  Mais sinon, elle était là. On a terminé 2e du classement par équipes à 46 secondes (de la Movistar, NDLR). C’est la preuve que l’on a un gros collectif. Mais on n’a pas la meilleure individualité. En résumé, il n’y avait rien d’alarmant mais on était en droit d’espérer mieux qu’une 6e place au général.

« ÊTRE OFFENSIVES ET AUDACIEUSES QUITTE À TOUT PERDRE »

Depuis le début du mois, on a assisté à un duel au sommet entre Tadej Pogacar et Jonas Vingegaard lors du Tour de France masculin avec le reste de la concurrence repoussé très loin. On est en droit d’imaginer un scénario similaire chez les filles avec Demi Vollering et Annemiek van Vleuten. Qu’en penses-tu ?
Oui, ça peut faire peur…. Potentiellement, il est vrai que la bagarre pour le maillot jaune pourrait se résumer à ce duel là. Mais le parcours de ce Tour de France est très intéressant. Il peut se passer beaucoup de choses sur chacune des quatre premières étapes. Et d’ailleurs, il faudrait qu’il se passe des choses. C’est dans notre intérêt. Il faut être lucide : on ne peut pas espérer gagner le Tour à la pédale dans les pentes du Tourmalet ou sur le chrono du dernier jour. Il faudra faire la course avant.

Et miser sur votre force collective !
Je pense que nous avons le meilleur groupe, l’équipe la plus solide et la plus homogène, sans oublier la SD Worx. On est au-dessus de la Movistar. Collectivement, on n’a pas peur. Notre force, c’est d’avoir plusieurs cartes à jouer. Il y a très peu de différence physique entre nos trois leaders, Cecilie, Marta et Evita.

Quelles sont les ambitions de l’équipe pour ce Tour de France et as-tu désigné une leader N°1 ?
On vise un Top 5 avec une de ces filles, dans notre approche de vouloir gagner le Tour un jour. Mais peu importe avec qui. Notre principale force, encore une fois, est notre collectif. Si on mise tout sur une seule fille, on aura peu de chances de réussite. Il reste des doutes quant à la capacité de Marta de pouvoir répondre présent tous les jours du début à la fin de la course. Il nous faut partir dans l’idée d’être offensives et audacieuses quitte à tout perdre. Tout n’est pas défini. Il faudra voir comment chacune de nos trois leaders a récupéré du Tour d’Italie. Outre l’envie de faire ce Top 5 au général, on souhaite également gagner une étape. On préfère largement gagner une étape que faire un fond de Top 10 au général. On veut dynamiter la course, créer du mouvement et provoquer la chance. Et puis, dans le fond, il ne faut rien s’interdire. Gagner avant le Tourmalet pourrait aussi nous permettre d’installer le doute dans la tête des favorites.

« PERSONNE NE RETIENT UN FOND DE TOP 10 »

Il n’y aura donc pas de temps à perdre dès le début du Tour !
L’année dernière, on était arrivées comme favorites mais cette fois-ci, on est seulement outsiders. Il faut être honnête avec soi-même. Le but, c’est d’être le caillou dans la chaussure des SD Worx et des Movistar. Après, ça marchera ou pas car Demi Vollering et Annemiek van Vleuten sont très fortes. Mais on veut tenter le coup. Personne ne retient un fond de Top 10 au général alors autant prendre des risques. On a déjà fait 6 de la Vuelta et 6 du Giro cette année (respectivement avec Evita Muzic puis Cecilie Uttrup Ludwig, NDLR). On ne vient pas sur le Tour pour ça.

Pour dynamiter la course et tenter de faire plier la SD Worx ou la Movistar, il faudrait sans doute que d’autres grosses formations comme la DSM ou la Lidl-Trek aient la même volonté que vous !
Je ne mise pas sur la DSM pour ça. Je pense qu’elles vont jouer la 3e place pour Juliette (Labous) et qu’elle se contentera de suivre. Chez Trek, on ne sait pas comment Elisa Longo Borghini s’est remise de sa très grosse chute au Giro. Il y aura aussi la carte Gaia Realini mais elle pourrait perdre pas mal de temps sur le chrono. En tout cas, sur le papier, c’est effectivement une équipe qui devrait vouloir jouer, comme nous. Mais il y a aussi UAE et Canyon//SRAM Racing. Si ces trois équipes-là veulent faire la course avec nous, ce serait déjà bien.

Le Tour se termine cette année par un contre-la-montre individuel de 22,6 kilomètres autour de Pau. À quel niveau doit-on attendre tes trois leaders sur cet exercice ?
Déjà, il faut dire que c’est une étape que l’on espère remporter, non pas avec l’une de nos trois leaders mais avec notre N°4 en la personne de Grace Brown. Elle est vice-Championne du Monde de la discipline en titre et celle qui l’avait devancée ne sera pas là (Ellen van Dijk, NDLR). On peut clairement jouer la victoire. Pour ce qui sera de la course au général, Marta a réalisé un très bon Championnat d’Italie sur un parcours dur (2e à 48” d’Elisa Longo Borghini, NDLR). Même chose pour Cecilie au Danemark (2e à 47” d’Emma Norsgaard, NDLR). Elle a beaucoup travaillé l’exercice. Je pense qu’elles vont toutes les deux limiter la casse. De là à gagner le Tour de France face aux deux autres sur ce chrono, non. Mais il n’y a pas un fossé non plus. Enfin, concernant Evita, on n’a pas assez travaillé le chrono car il y a eu d’autres priorités. C’était compliqué sur le dernier Championnat de France (13e à 3’23” de Cédrine Kerbaol, NDLR). Mais elle va se battre. Le plus important, c’est d’être encore dans le jeu à ce moment-là, sur la dernière journée du Tour.

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